le billet de Marylise 19 janvier


Lundi 19 janvier 2009 : premier jour du projet Papilles gourmandes mené à l’initiative de la MJC, la Maison des Jeunes et de la Culture.

Il pleut ; nous partons du Lycée Rascol avec nos parapluies (on dit un parapluie, des parapluies ? Et pourtant quand il pleut on dit la pluie, on devrait dire des pare à pluie)

Christophe Mardi, animateur coordinateur du projet à la MJC et qui a initié Papilles gourmandes, nous attend devant le restaurant éponyme de Stéphane Laurens (éponyme pour un ouvrage littéraire c’est quand le titre a le prénom de l’héroïne ou du héros, par exemple Aurélia de Gérard de Nerval. Cela vient du grec epônumos : qui donne son nom ; c’est quand une personne donne son nom à quelque chose). Alors Stéphane Laurens nous accueille avec son épouse devant le restaurant « Stéphane Laurens ». Le cadre est splendide, assorti par ses briques rouges à la cathédrale d’Albi qui est juste devant.
12 élèves de seconde du Lycée, une CPE, une surveillante, une professeure. Mais les élèves vont avoir à faire ce soir à un professeur spécialisé : Stéphane Laurens.
Le cours commence. Il a préparé dans sa cuisine des « postes de travail » : une planche à découper, un récipient qui servira de poubelle pour mettre les pelures des pommes par exemple (pour avoir toujours un plan de travail propre nous explique t-il) une jolie assiette de forme originale et une verrine. Justement il va commencer par la verrine car nous dit-il, en cuisine il faut être organisé : les verrines pourront refroidir pendant que nous préparerons le plat principal : les pâtes aux Saint Jacques et aux légumes asiatiques ! humm ! En plus il a disposé les ingrédients tout autour et les couleurs sont belles : blanc, rose, orangé, rouge, jaune, vert pâle et vert plus foncé….

On démarre : chaque cuisinière stagiaire écoute et obéit au chef cuisinier. Il va nous expliquer comment faire en dessert une verrine de semoule et de raisins secs. On dispose tout d’abord le caramel au fond du verre et puis on met le lait à chauffer avec le sucre puis les raisins et enfin la semoule fine spéciale pâtisserie que l’on verse cuillère par cuillère jusqu’à ce qu’elle gonfle. On mettra sur le caramel et par-dessus on posera des petits bouts de pomme, des vertes Granny Smith et des rouges jaunes Fuji coupés en tout petits morceaux. Et pour cela patiemment, aux élèves, une par une, Stéphane Laurens explique comment tenir le couteau : « Regardez bien le taillage, attention aux phalanges, il faut bien comprendre la gestuelle, le mouvement de va et vient pour tailler en julienne puis en brunoise ». Et pour émincer les tranches de pomme avant le couteau éminceur, pointe en bas, on apprend le maniement de « la mandoline » : joli, le geste des mains, des bras et le bruit régulier émis au moment où la lame coupe la tranche. Et pour racler la casserole on a utilisé une « maryse ». C’est le vocabulaire du spécialiste et on ne sait pas d’où vient ce mot, on n’a pas eu le temps de demander. Peut être une jeune fille appelée Maryse qui ne pouvait pas supporter ce gaspillage laissé dans la casserole ou un monsieur qui pour se venger de sa femme qui l’embêtait tellement lui a donné son nom ?

On attaque les pâtes. C’est facile, tout le monde sait faire des pâtes ! Sauf que parfois elles sont molles, collantes, gluantes, froides, agglomérées, bref pâteuses. Et bien Stéphane Laurens nous enseigne à les faire comme il faut « al dente ». C’est un bon prof : il est attentif à ce que tout le monde participe, il est cool mais directif ; quelquefois il demande qu’on l’écoute et on le regarde faire alors avant de l’imiter : on pèle les oignons ; ça pleure. Ouaouh pour l’ail c’est un peu compliqué, le couteau a la forme d’une petite hache et il faut mettre une main sur le manche et une autre dessus, sur la lame. Les légumes asiatiques sont très beaux : il y en a qui ressemblent à des petits poireaux et à de la ciboulette, à des petites blettes, à des feuilles de salade et d’épinards. Il parait qu’ils ont un petit goût amer. On coupe les tomates cerise en deux et on mélange le rouge, le vert, le blanc. Dans un Wock, une espèce de poêle en hauteur que l’on fait bien chauffer, chacun fait son plat : dans un peu d’huile d’olive, d’abord les Saint Jacques frais, puis les légumes et ensuite les pâtes qui ont été passées sous l’eau froide juste après leur cuisson. Sel, poivre, parmesan et à table. Rosalie n’avait jamais goûté des Saint Jacques auparavant, va-t-elle aimer ?
On déguste, le maître, lui, ne s’assied pas et nous regarde. Il nous a transmis patiemment plus qu’une recette : un savoir faire et un moment unique où le temps est passé très vite. Nous lui disons au revoir, ainsi qu’à sa jeune femme et à Christophe. Jérôme est déjà parti ; il a filmé mais si discrètement que nous allons être sûrement étonnés lorsque nous verrons les images : ce sera la preuve que ce n’était pas un rêve. Dans cette cuisine et dans cette salle de restaurant aux tables de bois chaleureuses nous avons vécu des moments de bonheur. La transmission, le faire et le partage.
Je repense à cette jeune fille, élève de troisième au Lycée Rascol qui avait participé à un projet d’écriture SLAM que nous avions monté en 2007 avec la MJC (encore ! ) ; elle rêvait de devenir cuisinière. Elle écrivait : « Emincer, couper, trier, ranger, préparer, cuire, laver, fouetter, éplucher, écraser, mélanger, ajouter, émietter, presser, poivrer, saler, goûter, déguster, chauffer, égoutter, citronner, disposer, parsemer, aplatir, casser, préchauffer, beurrer, réunir, saupoudrer, servir… Tous ces verbes me font tourner la tête. » Chrystelle, j’espère aujourd’hui que tu es heureuse de pratiquer tous ces verbes qui te fascinaient. En tous cas pour cuisiner, tu l’avais compris, il faut agir. Aux armes citoyens et aux casseroles êtres humains. A l’ère des fast food et des repas pris sur le pouce c’est bien de prendre du temps et d’apprendre, de créer et de découvrir des saveurs infinies.

Marylise Folch

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